Personnages célèbres honorées par « La Costelle »

Les seigneurs du ban de Fraize

Le terme de ban de Fraize désigne un territoire qui appartenait dans les siècles passés au Val de Galilée. À ce titre, il subit dès sa naissance au moyen-âge l'autorité de différents seigneurs ou maîtres qui marquèrent son évolution et ne manquèrent surtout pas, durant treize siècles et jusqu'à nos jours, d'en tirer un maximum de ressources. Voyons qui ils ont été au fil du temps, en les situant et les rattachant à la petite et la grande histoire. Les écus portant les blasons donnés en guise d'illustrations, sont, autant que faire se peut, ceux des origines des différentes lignées.

Avant le XIIe siècle

Il est certain que notre région était déjà été occupée, sans doute de façon très dispersée voire passagère, cinq millénaires avant notre ère, au Néolithique. Un menhir à Raon l'Étape, des objets de pierre retrouvés lors de fouilles dans la vallée d'Orbey, à Étival (la Pierre d'Appel) et aussi à Saint-Dié (Brompont) en font preuve. Des fouilles fructueuses ont prouvé que Saint-Dié était habitée aux époques gauloise (la Bure) et gallo-romaine (visiter le musée Pierre Noël).

Quand notre histoire commence, au VIIe siècle, l'Austrasie était un royaume mérovingien couvrant le nord-est de la France actuelle, les bassins de la Meuse et de la Moselle, ainsi que les bassins moyen et inférieur du Rhin. En 661, son roi Childéric II, avait fait don en toute propriété d'un vaste domaine provenant du Chaumontois (en gros le bassin de la Meurthe) à ses habitants déjà christianisés pour y fonder un ban religieux (le ban était une institution politique et religieuse franque). C'est dans ce ban que s'installa en 669 l'évêque Dieudonné (ou Déodat), pour y fonder un monastère précisément en un lieu nommé « Jointures », — future Saint-Dié —, au confluent des vallées de la Meurthe et de la Fave. Ce territoire comprenait notamment les vallées de la Haute-Meurthe, de la Morte, de la Fave et de leurs affluents et Déodat l’appela Val de Galilée. Le monastère fut placé, à la demande de Charlemagne vers l'an 800 sous le vocable de Saint Maurice. Pour assurer leur sauvegarde et assistance, les communautés prirent l'habitude d'en charger des puissants, moyennant rétribution. Ceux-ci, qu'on appelait les voués, ne tardèrent pas à abuser et à s'imposer en maîtres sur des parties du territoire et s'y arroger des droits d'hérédité. Le Val de Galilée tomba ainsi sous la dépendance de différents maîtres. Il appartint successivement aux évêques de Toul à partir de 757, aux abbés de Saint-Denis à partir de 759, au comte du Chaumontois à partir de 860, enfin en 967, il revint à Gérard, évêque de Toul — mais n'allons pas trop vite !

Lors du partage de l'empire de Charlemagne, au traité de Verdun en 843, le Val de Galilée échut à la Lotharingie. Puis, en 959, lors du partage de celle-ci, il échut au duché de Lorraine. Ce duché, qui s'organisait autour de la Moselle, de sa source au pied du col de Bussang dans les Vosges à sa confluence avec le Rhin à Coblence, était vassal du Saint-Empire Romain Germanique — que nous appellerons plus loin simplement Saint-Empire. Il restera toujours sous l'influence politique de ce Saint-Empire, même après que Charles-Quint ait concédé à la Lorraine son entière souveraineté en 1552.

Revenons en 962. Pour châtier les écarts à la vie monastique de ses moines, le monastère de Jointures avait été transformé par l'empereur Otton 1er en un Chapitre séculier de chanoines dirigé par un dignitaire de justice qui prit, à partir du XIIe siécle, le titre de grand prévôt. La légende rapporte qu'en 1026, Bruno de Dabo-Eguisheim, fut l'un d'eux, avant de devenir évêque de Toul puis pape sous le nom de Léon IX. Sa famille fut grande protectrice du Chapitre de saint-Dié et c'est d'elle que lui vint une partie son écu : la bande d'azur chargée de trois roses d'argent. Ce Chapitre, qui était placé, grâce à Léon IX, sous l'autorité directe et exclusive des papes, à Rome, avait hérité des anciens privilèges — immunité et exercice d'une juridiction quasi épiscopale sur l'espace de l'ancien grand ban et s'affirmait de plus en plus indépendant de l'évêque de Toul. En revanche il dépendait des duc de Lorraine, voués et suzerains. À ce moment là donc, le Val de Galilée était partagé entre le grand prévot et le duc de Lorraine, mais le duc et ses officiers se sont rapidement attribués, sous le nom de Ban-le-Duc, l'immense partie du ban Saint-Dié. À la suite de procès et moyens tels qu'excommunications, guerres, achats, échanges, les chanoines et prêtres des paroisses de l'ancien ban Saint-Dié avaient reconquis au XIIIe siècle une grande partie des territoires spoliés.

Blason rencontré à Fraize, inspiré de celui du Chapitre, d'argent à la bande d'azur chargée de trois roses d'argent

Tous ces changements géopolitiques se firent souvent aux dépens des populations qui, après avoir souffert depuis longtemps de diverses invasions — Burgondes, Alamans, Francs Saliens en 406, Huns en 451, Hongrois (hongres) en 917 —, eurent aussi à souffrir de terribles famines en 740 ou 760 (Ruyr, 1636), de 1022 à 1028 et aussi d'effroyables épidémies (peste, mal des ardents). Le servage était la règle. Les habitants des villages étaient taillables et corvéables à merci, ils dépendaient pour tout du seigneur.

L'habitat du Val de Galilée avait rapidement pris la forme de bans qui correspondaient aux divisions religieuses que les moines de Jointure avaient définies autour des différentes chapelles qu'il y avaient fondées (Jean Ruyr, Recherches des sainctes antiquitez de la Vosge, Province de Lorraine, 1634, Troisième partie, chap II, pages 210, Épinal, Ambroise Amb.). Fraize donnait autrefois son nom (Fraxinus — le frène) à un ban considérable dont la Costelle était le chef-lieu, et duquel dépendaient le Belrepaire, les Aulnes, Clairegoutte, le Mazeville, Scarupt, le Ban-Saint-Dié, Plainfaing, Noiregoutte, Habaurupt, Mandray et le Valtin ; en fait, il s'agissait de toute la haute vallée de la Meurthe à l'est d'Anould qui n'en faisait pas partie. Ce n'est que beaucoup plus tard que Mandray (en 1667), le Valtin (en 1689) et Plainfaing (en 1783), furent été érigées en paroisses indépendantes et formèrent des communautés distinctes de celle de Fraize.

Nota : Fraize — sous entendu le ban de Fraize — n'a jamais été siège de seigneurie, et n'a jamais eu de blason. On en voit pourtant un sur le vitrail central du chœur de l'église et aussi à l'étage de la mairie, mais c'est une attribution moderne et injustifiée du blason du Chapitre de Saint-Dié. L'usage des blasons de Lorraine, des Ribeaupierre, des de Parroye ou encore des Bayer de Bopart n'aurait pas eu plus de sens. Et oublions, s'il vous plaît, le farfelu blason avec bandeau de fraises qu'on a pu voir au début du XXe siècle !

Les ducs de Lorraine et les chanoines du Chapitre de Saint-Dié

Blason de Lorraine,d'or, à la bande de gueules, chargée de trois alérions d'argent
Blason du Chapitre de Saint-Dié,d'or à la bande d'azur chargée de trois roses boutonnées du champ, 
	à cinq pétales du champ et cinq pétales d'argent

Au XIe siècle, les ducs de Lorraine, leurs vassaux et les chanoines du Chapitre de Saint-Dié sont les maîtres de notre pays. Vers 1220, la seigneurie de Fraize appartenait au duc de Lorraine Mathieu II et au grand-prévôt de Saint-Dié. Mais la direction des chanoines y était plus directe et plus immédiate. Avec l'autorité spirituelle, ils y exerçaient la justice, y touchaient la dîme et certaines redevances qu'il est difficile de préciser pour cette époque. Nous savons seulement qu'ils y ont droit de corvée et de brennage (qui consistait à récolter du son ou lever une aide pour nourrir les chiens du seigneur), et que, en vertu de son autorité spirituelle, le grand Prévôt y perçoit une rente de 800 francs, fournie par le ban tout entier.

Les ducs de Lorraine, comme seigneurs-propriétaires d'une partie du Val de Galilée, tiraient profit des bans du territoire, par exemple les bans de Fraize et d'Anould devaient, en plus d'autres servitudes, fournir chaque année les langes de la chambre à coucher de Madame la Duchesse quand elle résidait au château de Spitzemberg…

Les impôts (la dîme, le cens, la taille) une fois perçus dans la communauté par un responsable désigné, il convenait de les partager entre les différents seigneurs, ce qui n'allait pas toujours sans mal ni procès. La monnaie qui circulait au XIIe siècle était frappée à Saint-Dié par les chanoines du Chapitre.

Une charte de 1221 relate la donation par laquelle le duc de Lorraine Mathieu II cède à Anselme de Ribeaupierre et à Simon de Parroye, la seigneurie du ban de Fraize. C'est le plus ancien titre se rapportant directement au ban de Fraize [rapporté par Dom Calmet]. Dès lors, ce ban appartint conjointement à ces deux familles [et suivantes pour les de Parroye] durant près de cinq siècles.

En 1315, le duc de Lorraine Ferry IV lègue à Aubert de Parroye, son écuyer, la seigneurie de Taintrux où se trouvait un château. Le ban de Fraize fut dès lors rattaché à celui de Taintrux où siégeaient les premières instances d'administration et de justice.

Au milieu du XIVe siècle la peste noire ravage la région. Pourtant, la puissance des chanoines, à l'origine semblables à de simples curés, n'a jamais été si grande, cumulant prébendes et bénéfices, ils ont maintenant une puissante administration avec grand prévôt, doyen, sonrier, écolâtre... 1475 les voit aux côtés du Téméraire, lors de l'invasion Bourguignonne, mais ils sont en janvier 1477 aux côtés du duc René II de Lorraine quand est tué ledit Téméraire. L'essor des mines d'argent au XVIe siècle enrichit tout le Val de Galilée, mais surtout la collégiale (et le duc). On ne peut passer sous silence la fondation, vers 1500 d'un cénacle d'humanistes appelé Gymnase Vosgien par le chanoine Vautrin Lud. C'est en son sein qu'avec notamment le géographe Martin Waldseemüller et l'imprimeur Mathias Ringmann, il publie en 1507 la Cosmographiae Introductio dans laquelle le nouveau continent découvert est baptisé América.

En 1525, le Val de Galilée fut troublé par l'invasion des Rustauds. Arrivés jusqu'aux portes de Saint-Dié, ils en furent repoussés, grâce à l'énergie des chanoines qui appelèrent aux armes tous les habitants. Le duc de Lorraine Antoine Ier, à la tête des troupes vosgiennes, poursuivit les envahisseurs et les battit à côté de Saverne. Il rentra à Saint-Dié en triomphateur, passant par le col du Bonhomme et donc par la vallée de Fraize, escorté de tous les contingents vosgiens qui formaient son armée.

Les ducs de Lorraine resteront suzerains jusqu'à la cession de la Lorraine à la France (1766) et seront remplacés à ce titre pour peu d'années par les rois de France Louis XV puis Louis XVI.

Les Ribeaupierre jusque fin XVIIe siècle

Blason des Ribeaupierre,d'argent à trois écussons de gueule

Les comtes de Ribeaupierre étaient Seigneurs du val d'Orbey et de vastes domaines du côté lorrain des Vosges. Ils avaient fait de Ribeauvillé, centre de leurs possessions, une sorte de petite capitale.

Recevant l'investiture des empereurs du Saint-Empire pour leurs possessions alsaciennes, mais devant l'hommage aux ducs pour leurs possessions lorraines (dont la seigneurie du ban de Fraize), les Ribeaupierre faisaient figure de petits souverains : ils battaient monnaie, levaient des troupes dans leurs états et participaient aux grandes expéditions féodales.

Une première famille de seigneurs de Ribeaupierre existait déjà du temps de Pépin le Bref. Elle s'éteignit en 1162. L'évêque de Bâle donna aussitôt la seigneurie vacante à Egenolphe d'Urslingen, ministériel de l'empereur Frédéric Barberousse, qui sera le fondateur de la seconde famille du nom de Ribeaupierre ou de Rappoltstein (en allemand). Ils étaient l'une des plus nobles familles d'Alsace.

La reconnaissance historique de cette famille ne remonte en fait qu'à Anselme (seigneur de Fraize depuis 1221), appelé aussi Anselme de Ribeaumont. Parmi les premiers croisés, il fut l'un des plus illustres compagnons de Godefroy de Bouillon. Il combattit sous Nicée, Antioche et Laodicée avant de mourir au siège d'Archas.

Conrad de Ribeaupierre combattit en terre sainte aussi et, nouveau David, il tua dans un combat singulier, au siège de Damas, en présence de toute l'armée, un Goliath musulman.

À Ribeauvillé, les Ribeaupierre avaient trois châteaux, dont les ruines ont toujours fière allure : le saint Ulrich, le Girsberg et le Haut-Ribeaupierre. Ils possédaient de vastes domaines en Alsace dont le val d'Orbey, et par exemple le château de Hohnach, entre Orbey et Turkheim. Fréquemment dans le ban de Fraize, on les désignait sous le nom de seigneurs de Hohnach, ou, par corruption du mot, de Hohenné.

Ils ont perçu à Fraize une redevance annuelle d'une charretée de vin jusqu'en 1324, quand ils la revendirent à la famille de Parroye.

En 1343, la part de la seigneurie de Fraize leur appartenant n'avait plus qu'une faible importance. Elle fait retour au duché de Lorraine quand Henri de Ribeaupierre céda au duc Raoul, pour en jouir après son décès, tout ce qu'il avait au ban de Fraize, en reconnaissance, dit-il, des bienfaits qu'il en avait reçus ; en réalité en contre-partie des méfaits et ravages que son fils Jean et Henri de Ribeaupierre avaient fait subir au Val de Galilée.

À partir de cette date le ban de Fraize cesse donc d'appartenir aux Ribeaupierre, mais au XVe siècle, on les retrouve de nouveau [par quel biais ?] en possession du ban de Fraize et aussi de Saulcy.

Mêlé aux grands événements historiques du temps, le nom de Ribeaupierre est célèbre par toute l'Europe. Brunon de Ribeaupierre bataille aux côtés du roi de France pendant la Guerre de Cent Ans. L'un de ses trois fils, Guillaume, occupe des charges importantes à la cour de l'empereur du Saint-Empire et reçoit de celui l'ordre de la Toison d'Or. Le second, Maximim, chambellan de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, participe avec ce dernier à la conquête de la Lorraine qui devait se terminer par la défaite et le trépas du Téméraire devant Nancy (1477). Par contre, Ulrich de Ribeaupierre, resté fidèle aux Lorrains amène des troupes au duc René d'Anjou qu'il soutient dans sa lutte contre Antoine de Vaudémont. Il trouve la mort à la bataille de Bulgnéville qui vit la défaite de René d'Anjou.

La lignée s'éteint en 1673 lors de la disparition sans postérité mâle du comte Jean-Jacques de Ribeaupierre, et ses héritiers cèdent leurs parts du ban de Fraize (ruiné par la Guerre de Trente Ans) au sire de Créhange, descendant des Parroye. Pour plus de détails, voir dans Mémoires de la Société d'Archéologie Lorraine et du Musée …, Volume 23, la généalogie des Ribeaupierre.

C'est sous la domination de ces sires de Ribeaupierre que fut construite la première église paroissiale de Fraize sous le vocable de Saint-Blaise. Leurs armoiries étaient gravées sur la clef de voûte du chœur. On voit encore celles-ci au milieu du manteau de grès d'une cheminée provenant d'une maison du XIIe siècle leur ayant appartenu et où résidaient probablement leurs intendants. Cette maison avec plafonds à caissons, que Victor Lalevée nomme Manoir des Ribeaupierre, fut hélas démolie en 1980 et ladite cheminée, heureusement sauvegardée, orne de nos jours le hall de la mairie de Fraize.

Aucun des Ribeaupierre n'a jamais vécu à Fraize, mais, dit Victor Lalevée, il semble que par une administration assez douce pour le temps, les Ribeaupierre aient laissé de bons souvenirs au ban de Fraize.

Les de Parroye jusque fin XVIe siècle

Blason des de Parroye,de gueule à trois lions d'or, deux et un, à la bordure engrelée d\’azur.

La famille de Parroye est une des plus anciennes et des plus illustres de la Lorraine . Elle tirait son nom du village de Parroy au nord-est de Lunéville où se trouvait leur chateau détruit en 1635, durant la Guerre de Trente Ans, par ordre de Louis XIII.

La plus ancienne mention que nous connaissions sur ces seigneurs, date de 1147. C'est un engagement de 12 ans [emprunt] au Chapitre de Saint-Dié, par Simon de Parroye, partant pour la deuxième croisade…

En 1291, un [autre] Simon de Parroye est chanoine-chantre de l'église de Saint-Dié.

Au XIIIe siècle, les seigneurs de Parroye possédèrent, pendant un temps le château de Spizemberg et la sous-vouerie de Saint-Dié.

Au XIVe siècle, on trouve encore parmi les dignitaires du Chapitre de Saint-Dié, plusieurs membres de la famille de Parroye. Trois portaient le nom de Burnequin, un autre celui de Jean.

C'est en 1315 qu'Aubert de Parroye, écuyer de Ferri IV, hérite de ce duc, et devient seigneur de Taintrux et de Fraize.

À partir de cette époque, le ban de Fraize est toujours rattaché à celui de Taintrux. Dans presque tous les actes des archives les concernant, ces deux noms sont inséparables et jusqu'à la révolution, ils eurent constamment les mêmes maîtres.

Taintrux fut, pour ainsi dire, le chef-lieu des possessions des seigneurs de Parroye dans le Val de Galilée. Au XIIe siècle, un château-fort construit par le duc de Lorraine, ou peut-être par des seigneurs de Parroye, existait déjà à Taintrux.

Simon de Parroye s'accorda avec Ancel (ou Ancelme) de Ribeaupierre pour prendre en commun les redevances qu'ils versaient annuellement au duc. Puis Albert de Parroy racheta en 1324 aux Ribeaupierre la charretée de vin que les vignerons de Fraize lui devaient.

Au XVIe siècle, la part de souveraineté revenant aux comtes de Parroye passe par le mariage de Marie, fille de Ferry Ier de Parroye, à la famille Bayer de Boppart, plus connue dans le pays sous le nom de Château-Brehain (où ils résidaient usuellement).

L'une des plus vieilles maisons de Fraize, appelée "la Cour", porte d'après Victor Lalevée, la date de 1576. Elle servait de lieu d'enregistrement à leurs officiers et intendants qui venaient y percevoir les taxes et impôts.

Pas plus que des Ribeaupierre, aucun des de Parroye n'a jamais vécu à Fraize.

Les Bayer de Boppart de la fin du XIVe à la fin du XVIe

Blason des Bayer de Bopart,d'argent à un lion de sable, armé, lampassé et couronné d'or..

Comme les Parroye et les Ribeaupierre, les seigneurs Bayer de Boppart tenaient leurs titres de noblesse des empereurs du Saint-Empire. Plusieurs membres ont joué un rôle très important dans l'histoire de Lorraine.

Un des plus anciens et des plus connus est Thierry Bayer de Boppart : d'abord évêque de Worms, il devient évêque de Metz où il meurt en 1321.

Ces seigneurs ne sont véritablement bien connus qu'à partir du XVe siècle où l'on voit Henri Bayer, conseiller du duc Charles II, accompagner son maître à Aix-la Chapelle et assister au couronnement de l'empereur (G. Flayeux).

Conrad Bayer de Boppart (†1425) fut celui qui devint, par son mariage avec Marie de Parroye (†1395), seigneur de Taintrux et de Fraize en 1384.

Ses fils sont mêlés à tous les événements qui se déroulent en Lorraine dans la première partie du XVe siècle. L’aîné, Conrad II Bayer de Boppart (†1459), fut évêque de Metz de 1415 à 1459. Il possédait Épinal dont les habitants se révoltèrent contre lui en 1420.

Prenant parti pour René d'Anjou contre Antoine de Vaudémont, il amena au duc de Lorraine un renfort de 200 cavaliers, et avec son frère Thierry, participa à cette funeste bataille de Bulgnéville, où l'armée Lorraine fut taillée en pièces. Alors qu'Ulrich de Ribeaupierre y était tué, il y est fait prisonnier, ainsi que son frère et le duc René. On sait que ce dernier récompensa bien mal les services de l'évêque de Metz. En 1440, il le fit arrêter par ruse et enfermer. Après une captivité de 2 mois, Conrad de Boppart ne fut remis en liberté qu'après avoir signé un traité fort désavantageux pour lui, que d'ailleurs il se garda bien par la suite d'exécuter.

C'est à ce même Conrad II de Boppart qu'on doit la construction du puissant château de Moyen [au sud de Lunéville], et aussi l'établissement d'un couvent de Carmes à Baccarat en 1441. La ville de Baccarat avait été fondée par son frère Thierry en 1431. Ainsi s'expliquerait que les religieux de Baccarat aient obtenu le droit de quête sur le ban de Fraize…

La résidence habituelle de la famille Bayer de Boppart était Château-Brehain. Aussi les désignait-on souvent dans le ban de Fraize sous le titre de seigneurs de Château-Brehain.

Vers la fin du XVIe siècle, Antoinette Bayer de Boppart épouse le comte de Créhanges qui devient copropriétaire du ban de Fraize.

À partir de la fin du XVIe siècle

Le Chapitre de chanoines fut dissout en 1777 lors de la création de nouveau Diocèse de Saint-Dié. Celui-ci s'en vit attribuer les domaines ainsi que ceux des grandes abbayes (Étival, Senones, Moyenmoutier) et quelques territoires pris sur l'important diocèse de Toul.

Le duché de Lorraine, sans parler du Barrois, avait connu une histoire compliquée, différentes familles s'étaient succédées à sa tête — Maison d'Alsace de 1417 à 1431, Maison d'Anjou-Lorraine de 1431 à 1473, Maison de Lorraine-Vaudémont de 1473 à 1737, Duc Nominal Stanislas Leszczynski de 1737 à 1766. Il avait connu bien des vicissitudes et des guerres, notamment la Guerre de Trente Ans de 1618 à 1648 qui le ruine entièrement. Le traité de Ryswick (1697) qui solde la guerre entre la France et la Ligue d'Augsbourg, restitue le duché (précédemment confisqué depuis 1670 par la France), à Léopold Ier. Dès 1702, celui-ci s'installa à Lunéville, où il fit construire le Château. Bien que très dépensier, il fut très aimé de son peuple jusqu'à sa mort en 1729. L'économie continua à prospérer sous son héritier François III, excitant la convoitise de la France. En 1735, François III épousa Marie-Thérèse d'Autriche, héritière des Habsbourg. Il va devenir empereur d'Autriche sous le nom de François Ier de Habsbourg-Lorraine, et abandonne la Lorraine à la France, en 1737 en échange de la Toscane (dont il devient le Grand Duc François II). Afin de ménager le patriotisme lorrain, Louis XV donna le duché en viager à son beau-père, Stanislas Leszczynski (1677-1766), ex-roi de Pologne. Après un règne tranquille de 29 ans, il décèda à Lunéville ou il a résidé, et la Lorraine devint alors définitivement province Française. À cette occasion, la noblesse conserva ses titres et propriétés.

On a vu les Ribeaupierre (471 ans) disparaître en 1693, tandis que les Parroye (163 ans) furent suivis en 1384 par les Bayer de Boppart (206 ans) puis après 1590 successivement par :

Blason des Créhange,Écartelé: aux 1er et 4e d'argent à la fasce de gueules, aux 2e et 3e de gueules à la croix ancrée d'or.

Depuis la Révolution

La partie du ban de Fraize qui appartenait au Chapitre, puis, après création de celui-ci en 1777, au Diocèse, fut vendue comme bien national, ainsi naturellement que les biens paroissiaux de la vallée.

À part certaines parcelles qui avaient, par-ci par-là au cours des siècles, été vendues à de petits particuliers, les propriétés de l'ex-seigneurie (Taintrux - Fraize) appartenaient en indivision aux quatre nièces de madame de Clinchamp, décédée en 1799. Il y avait :

La Révolution les avaient déchues de leurs titres de noblesse, mais pas de leurs propriétés, et au XIXème siècle, les anciennes forêts seigneuriales restent en indivision entre les héritiers de Clinchamp

En 1862, l'un d'eux, Charles Nicolas Antoine Collinet de la Salle lègue par testament tous ses biens aux Hospices civils de Nancy et Pompey et à la Maison des Orphelines de Nancy. Il s'ensuivit un partage de l'indivision — forêts, maisons, scieries, terrains — en trois lots de valeurs sensiblement égales par exécution d'un jugement du tribunal de Saint-Dié du 14 aout 1863. Victor Lalevée (dans Au Pays des Marcaires, R. Fleurent, Fraize, 1950) les décrit ainsi :

  1. 1106 hectares dans les forêts de Taintrux et Laveline aux familles Fouilhouse et d’Ollone.
  2. 1595 hectares sur les communes de Plainfaing, Le Valtin, avec les chaumes de la Reichberg, Gazon de Faing, Gazon de Feste, Gazon Martin, aux Hospices civils de Nancy et Pompey.
  3. 1776 hectares, communes du Valtin et Plainfaing, avec les chaumes de Béliure, Tanet, Vieux Montabey, Montabey et le col de la Schlucht à M. Gustave Charles Sigisbert de Bazelaire de Lesseux (1813-1883).

Curieusement, Fraize n'est cité dans aucun lot ?

Quelles traces nous ont-ils laissées ?

Très peu de choses à Fraize :

Maison « la Cour » au carrefour de Clairegoutte.
			La plus vielle maison de Fraize date de 1576. Elle appartenait
			aux sires de Taintrux qui y logeaient leurs Intendants.
			43, Rue Eugène Mathis.
Cheminée de grès rose et porte récupérées
			lors de la destruction de la « maison (manoir) Ribeaupierre » en 1980.
			Elles ornent le hall de la mairie.
			Blason des Ribeaupierre au milieu du manteau de grès.
			1 Place de l'hôtel de Ville.
Maison appelée « château sauvage ».
			Elle se trouve approximativement à l'emplacement de l'ancien château de Piérosel. 
			Georges  Flayeux (op.cit., p 34) la décrit comme un bâtiment allongé,
			composé uniquement d'un rez-de-chaussée. On y accédait par un escalier, formant perron.
			François-Ernest de Cogney y a résidé avant 1729.
			22, Rue du Docteur Durand.

 

Nos sources

N'étant pas historiens, nous nous sommes appuyés sur l'histoire du Ban de Fraize que proposent :

Tous quatre se sont référés notamment à Jean Ruyr (1560-1645), Recherches des sainctes antiquitez de la Vosge, Province de Lorraine (Ambroise Ambroise éditeur, Épinal, 1625) et à Dom Calmet (1672-1757), Histoire de Lorraine (A. Leseure Imprimeur, Nancy, 1748)

Précautionneux, Georges Flayeux débute son étude par ces mots : Les quelques rares documents que l'on possède sont insuffisants pour percer l'obscurité de l'histoire, et nous apprendre rien de particulier ni de fixe, sur le ban de Fraize, depuis le XIe jusque vers la fin du XVIe siècle.

 

Rédigé par Yves Bruant pour La Costelle, novembre 2018
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© La Costelle. Dernière mise à jour le 17/02/2020 à 20:38 
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